Combien coûte une personne « itinérante chronique » et soumise à des troubles mentaux pour la société? Cette question vous choque sans doute, pourtant, l’itinérance a un coût, lorsque les trajets en ambulance s’additionnent aux soins médicaux, à la prise en charge en établissement carcéral ou en refuge, la note finale est conséquente.
Militer pour une autre prise en charge: la solution « House First ».
Lorsqu’en novembre 2007 l’ONU somme le Canada de réagir face au nombre très élevé d’itinérants atteints de problèmes mentaux ou d’addictions, la commission de la santé mentale décide de réaliser une vaste étude sur le sujet. L’objectif est d’établir le coût de l’itinérance et de le comparer à celui de solutions alternatives, notamment la « house first » du docteur Sam Tsemberis. Celle-ci consiste à « renverser » le problème en attribuant des logements aux sans abris afin que cette stabilité relative mais néanmoins cruciale leur permettre de traiter leur problèmes de santé mentale et de consommation. Au lieu d’essayer de changer la vie des individus afin qu’ils puissent quitter la rue, on leur permet d’accéder à un logement pour qu’ils puissent changer leur vie.
Des chercheurs, des réalisateurs et des « clients ».
Afin de sensibiliser le grand public à la question de l’itinérance, la commission de la santé mentale du Canada s’est associé à l’Office National du Film. Plusieurs réalisateurs sont actuellement sur le terrain et produiront à terme 50 courts métrages dans 5 métropoles canadiennes.
Les réseaux sociaux doivent médiatiser l’étude – et pourquoi pas provoquer un débat national – alors que le blog du webdocu permet de mieux comprendre la problématique. On appréciera l’accès aux interviews des réalisateurs, à leurs questionnements, leurs préoccupations quand à leur travail sur ce webdocu.
Un sujet qui se prête à la mise en forme de datas.
L’utilisation des datas sert la compréhension de la situation en faisant défiler des statistiques sur les itinérants ayant participé au projet. Pour la seule ville de Winnipeg, 48 % des personnes ayant participé à l’étude ont grandi en maison d’accueil; 50 % ont subi une agression dans les derniers mois 6 mois et 40% un vol. Au cours de cette même période, 80% ont subi un traumatisme crânien. C’est assez parlant non? Pour nous laisser imaginer les conditions de vie dans la rue, on voit s’afficher la température extérieure dans la ville, juste à côté du nombre de participant logés et non logés. Et oui car il faut bien qu’il y ait un groupe « témoin » qui sera observé dans son milieu « habituel », des itinérants qui auront été retenus pour « l’expérience » et qui seront la référence pour mesurer l’efficacité de la solution House First . Celle-ci se déroulera pour eux dans la rue, où les chercheurs devront les suivre régulièrement.
Éthique et politique.
Je vous avoue que l’idée d’évaluer le coup d’un sans domicile fixe m’a profondément dérangée au premier abord. On aurait pourtant tort de considérer les chercheurs qui réalisent cette étude comme des êtres froidement indifférents à la condition des itinérants dont ils suivent le chemin. Le sentiment de malaise que j’ai ressenti lors des premières secondes de découverte de l’interface, en voyant les statistiques et les information sur le prix d’une nuitée à l’hôpital, en prison, ou chez soi s’est vite dissipé. Les interviews des chercheurs, bénéficiaires du programme, médecins ou intervenants sociaux donnent souvent l’impression d’être filmée « par le trou de la serrure ». Après avoir consulté un bon nombre de portraits réalisés pour le compte d’ONG ces derniers jours, j’ai été touchée par cette impression d’intimité et de naturel pourtant travaillé. La musique poétique de ICI, CHEZ SOI m’a imprégné, ses multiples petites bulles de couleurs, se balançant sans cesse, reliés aux villes par de minces fils comme autant de destins, d’itinérances. Peut être est-ce le sujet. J’aimerais bien connaître votre ressenti personnel, j’espère que vous irez y jeter un coup d’œil, et peut être plus.
L’étude prendra fin le 31mars 2013, on aimerai connaître ses résultats et voir les mesures qui seront prises par le gouvernement canadien. De mon point de vue l’objectif de ICI, CHEZ SOI est presque atteint, vulgariser une étude scientifique et sensibiliser les citoyens à une problématique qui nous touche tous finalement. À nous de médiatiser l’information et de nous faire une opinion.